Inflammations

Cannabis contre des inflammations

Le professeur Grinspoon de l’université de Harvard a rapporté en 1994 le cas d’une patiente atteinte de la maladie de Crohn. Le cannabis, en plus d’un effet calmant sur les douleurs abdominales, a également permis de réduire la posologie du traitement anti-inflammatoire.

La maladie de Crohn, tout comme la colite ulcéreuse, consiste en une inflammation chronique de l’appareil digestif, dont la cause reste encore mal connue. L’inflammation peut porter sur n’importe quel organe du système gastro-intestinal. Le plus souvent, elle se localise sur la partie située entre l’intestin grêle et le gros intestin. Des diarrhées fréquentes, parfois accompa-gnées de crampes intestinales, notamment du côté droit du bas-ventre, caractérisent cette affection. Après plusieurs années de maladie, la plupart des patients développent des complications, telles que des occlusions et des ulcérations intestinales rendant une intervention chirurgicale souvent nécessaire. Le traitement habituel est basé sur des médicaments anti-inflammatoires, par exemple la cortisone, ainsi que des médicaments anti-diarrhéiques.

En 2004, un patient atteint de la maladie de Crohn a été acquitté par une cours de justice en Allemagne. Il est aujourd’hui autorisé à utiliser du cannabis pour traiter ses symptômes. Selon ses témoignages, il s’agit pour lui du meilleur médicament pour réduire les crampes intestinales, ouvrir l’appétit et traiter le fond de son inflammation chronique. En 2002, avec d’autres patients, il s’est confié au magazine allemand Stern. Tous les patients étaient considérés comme des consommateurs illégaux de cannabis.

En outre, un traitement à base de produits issus du cannabis peut également être bénéfique pour les patients souffrant de colites ulcéreuses ou d’arthrite (inflammations des articu-lations).

Les maladies inflammatoires sont très souvent accompagnées d’autres troubles. « J’avais constamment la diarrhée, j’étais dépressif et sans entrain et je maigrissais lentement, mais sûrement. J’avais perdu l’appétit. D’ailleurs, je ne pouvais avaler quelque chose qu’après avoir consommé du cannabis. Il y avait des jours avec et des jours sans. Chaque matin je me demandais, si j’allais ou non passer toute ma journée aux toilettes. L’effet le plus spectaculaire du cannabis a été pour moi celui exercé sur mes intestins. Parfois le matin, je ne pouvais même pas rester au lit parce qu’il me fallait aller à la selle tous les quarts d’heure. En revanche, après avoir consommé du cannabis, je retournais encore une fois aux toilettes et puis j’étais tranquille pendant plusieurs heures. Dans mon cas, le THC est bénéfique pour traiter le colon irritable tout comme les crampes musculaires. Grâce à lui, je peux me passer des médicaments antispasmodiques (atropine) qui, de toute façon, n’avaient pas beaucoup d’effets », a témoigné un homme atteint de la maladie de Crohn.

J’aimerais encore ajouter un autre témoignage. Il m’est parvenu par courrier électronique, de la part d’un homme qui a observé des effets positifs du cannabis pour prévenir l’épisclérite, une maladie inflammatoire des yeux qui cause d’importants désa-gréments. « Pendant huit ans, je souffrais d’apparitions de plus en plus fréquentes d’épisclérite. Au début seulement deux à trois fois par an, et puis cinq à huit fois. Les deux dernières années, les sclérites nécessitaient même des traitements à base d’ultracortenol à fortes doses (une préparation à base de cortisone) parce que les gouttes d’antibiotiques ne suffisaient plus. Le traitement à base du nouveau médicament miracle allemand, l’ecolicin, (un antibiotique à base d’érythromycine) provoquait même une progression galopante du processus inflammatoire. Aucun médecin n’a réussi à me guérir complètement. Je représente le type même du sujet atopique : allergies à divers pollens, acariens et moisissures, eczéma séborrhéique et crises d’asthme de faible intensité. Les ophtalmologistes étaient à bout de leur science. L’hémogram-me ne donnait aucune indication médicale supplémentaire pour expliquer mon cas. Pareillement pour les médecins géné-ralistes. J’ai donc entrepris des recherches approfondies sur internet où j’ai appris que le cannabis a aidé plusieurs personnes atopiques à soulager leurs problèmes de santé. J’ai décidé de l’essayer également. Depuis maintenant exactement deux ans, je n’ai plus eu d’épisclérite. Je fume du cannabis une fois par semaine, bien que je pense qu’une cigarette tous les quinze jours serait suffisante. Une fois, j’ai arrêté ma consommation de cannabis pendant trois mois et l’inflam-mation des yeux est apparue de nouveau. Mais cette fois, j’ai pu stopper rapidement le processus inflammatoire en fumant une cigarette de cannabis et en appliquant pendant toute une journée des gouttes d’inflaneran ».

Beaucoup d’études expérimentales ont démontré le potentiel anti-inflammatoire des cannabinoïdes. Des recherches ont en effet démontré que le THC exerce une influence sur la concentration des cytokines. Les cytokines sont des médiateurs intercellulaires sécrétés par des leucocytes spécifiques, les lymphocytes T. Elles jouent le rôle de messagers du système immunitaire dans le cas de certaines réactions allergiques et inflammatoires (Melamde, 2001). Le THC réduit la quantité de ces cytokines pro-inflammatoires, tels que le TNF-alpha et l’interféron-gamma en bloquant une sécrétion anormalement importante de la part des lymphocytes-T. Un taux trop important de ces cytokines est observé lors d’arthrites rhuma-toïdes et d’inflammations intestinales chroniques comme la colite ulcéreuse et la maladie de Crohn. Il contribue ainsi au développement du processus inflammatoire. Comme il a déjà été souligné, le nombre de récepteurs cannabinoïdes augmente davantage dans un intestin enflammé que dans un intestin sain, afin de présenter plus de sites de liaison aux cannabinoïdes.

Des propriétés anti-inflammatoires du THC-COOH, l’un des principaux métabolites du THC, ont également été mises en évidence (Burstein, 2001). Son mécanisme d’action ressemble à celui de l’aspirine. Il bloque une enzyme appelée cyclooxygénase. Toutefois, l’action du THC-COOH est plus spécifique du fait qu’il n’inhibe pas toutes les formes de cyclooxygénases, mais uniquement celles qui provoquent l’inflammation. C’est la raison pour laquelle le THC-COOH n’entraîne pas les effets secondaires connus de l’aspirine, à savoir des lésions intestinales pouvant aller jusqu’aux saignements. Le THC est transformé en THC-COOH dans le foie. Celui-ci est donc un produit de dégradation biochimique du THC dont les traces peuvent être retrouvées dans l’urine après consommation de cannabis ou de THC. Des essais cliniques avec un produit de synthèse dérivé du THC-COOH, appelé CT-3 ou acide ajulémique, ont montré que cette substance réduit les inflammations et les douleurs chez des patients atteints d’arthrite (Karst, 2003).

À ce jour, il n’est pas encore prouvé que le THC ou d’autres cannabinoïdes puissent également offrir des bénéfices dans les traitements du processus inflammatoire chronique de la SEP. Actuellement (2009) une étude d’envergure sur trois ans est en cours en Angleterre pour évaluer l’influence du THC sur l’évolution de la maladie. Dans deux études menées en 2003 sur le modèle animal de la SEP, l’effet des cannabinoïdes a été étudié par rapport à l’activité inflammatoire et aux dys-fonctionnements neurologiques. Un groupe de travail espagnol a montré que, sur des animaux, plusieurs cannabinoïdes synthétiques, présentant des effets en partie similaires à ceux du THC, réduisent l’activité inflammatoire et les dysfonction-nements neurologiques à long terme (Arevalo-Martin, 2003). Un autre groupe de chercheurs de Chicago a rapporté une réduction des troubles neurologiques parallèlement à une baisse du nombre de cytokines pro-inflammatoires, tels que les TNF-alpha, les interleukine-1-beta et les interleukine-6 obtenue grâce aux cannabinoïdes (Croxford, 2003).

L’un des modèles animal de la sclérose en plaques est l’encéphalomyélite allergique expérimentale (EAE). En 1989, Lyman et al. ont publié une étude conduite sur des rats chez qui a été introduite artificiellement l’EAE. Ces animaux ont reçu du THC soit peu avant, soit peu après l’incubation de la maladie. Tous les animaux du groupe témoin ont développé, dans les dix à douze jours après l’incubation, une EAE sévère et 98 % d’entre eux en sont morts en l’espace de deux semaines. Par contre, les rats qui ont reçu un traitement à base de THC ont montré peu, voire aucun symptôme d’EAE et 95 % d’entre eux ont survécu aux tests. Plusieurs années après cette étude, une autre équipe de chercheurs a répété le protocole avec du delta-8-THC et a obtenu des résultats similaires (Wirguin, 1994). Toutefois, il est encore trop tôt pour savoir si les résultats issus du modèle animal peuvent s’appliquer à la forme humaine de la sclérose en plaques. Pour l’instant, mieux vaut rester prudent en ce qui concerne les attentes dans ce cas particulier.