Cannabis et psychoses affectives, dépressions endogènes et troubles bipolaires

Cannabis et Psychoses affectives, dépressions endogènes et troubles bipolaires

Les troubles affectifs ou psychoses affectives, tout comme la schizophrénie, appartiennent à la famille des psychoses. Contrairement à d’autres maladies psychiatriques, ces troubles modifient profondément la personnalité des patients. Les psychoses affectives sont souvent associées à des phantasmes, des hallucinations, des sentiments d’angoisse ou de grandes peurs. Dans la plupart des cas, les personnes atteintes ne reconnaissent pas le fait d’être réellement malade, et tiennent des causes extérieures pour responsables.

Dans le groupe des psychoses affectives figurent également les dépressions endogènes ainsi que les troubles maniaco-dépressifs ou bipolaires.

Contrairement à la dépression réactionnelle, la dépression endogène n’est pas liée à une cause réellement perceptible. Elle se développe pour ainsi dire à l’intérieur et agit considé-rablement sur les sentiments, la façon de penser et le comportement du patient. Les symptômes de cette dépression englobent entre autres la perte de centres d’intérêt, de joie de vivre et de l’appétit ainsi que la tristesse, le sentiment de culpabilité, le manque de concentration, l’état d’abattement profond, la fatigue chronique et l’insomnie. Il n’est pas rare que des troubles physiques, comme des céphalées ou des troubles digestifs, s’ajoutent à cette liste. À ce sujet, certains patients ont témoigné d’effets bénéfiques du cannabis. Cependant, les bénéfices thérapeutiques potentiels des produits à base de cannabis dans le traitement des dépressions endogènes sont difficiles à évaluer à ce jour à cause du manque de résultats issus de la recherche médicale.

Dans le cas des troubles bipolaires, de nombreuses personnes ont également rapporté des bienfaits thérapeutiques grâce au cannabis. La psychose bipolaire, également appelée psychose maniaco-dépressive ou dépression maniaque, se caractérise par des phases de dépression endogène qui alternent avec des phases maniaques. Celles-ci sont accompagnées d’euphorie, d’idées extraordinaires, de sentiments d’invincibilité, d’hyper-activité, de manque de concentration et de pensées et paroles précipitées. Une publication scientifique de 1998 a présenté de nombreux cas, qui, grâce au cannabis, ont réussi à traiter soit leurs manies, soit leur état dépressif, voire les deux à la fois (Grinspoon, 1998). Certains patients ont utilisé du cannabis en combinaison avec du lithium, médicament commun dans les traitements des troubles bipolaires. Ils ont ainsi réussi à réduire le dosage de lithium ou à atténuer les effets secondaires de celui-ci.

Une vaste étude portant sur 3459 patients souffrant de bipolarité a été mené sur les effets du cannabis sur l’évolution des troubles. Après 12 mois de traitement, les consommateurs de cannabis ont présenté plus de complaisance et une sévérité accrue des troubles, manies et psychoses que les non consommateurs (Van Rossum, 2009).

J’ai reçu un courrier électronique de Californie où sont tolérés des buyers clubs, dispensaires distribuant du cannabis aux patients. En effet, malgré le refus du gouvernement fédéral américain, l’État californien autorise aux membres de ces associations de se procurer du cannabis. « Je m’appelle Derek D. Je m’occupe de l’association des patients de la côte nord, ici à XY, en Californie. J’ai assisté, en même temps qu’un de mes collègues, à l’évolution extraordinaire de l’état d’un de nos membres de San Francisco, atteint de troubles bipolaires. En effet, il y a une semaine, son état est passé d’une psychose bipolaire post-traumatique avec désorientation grave, à un état de lucidité totale et une cohérence neurologique complète, suite à deux inhalations d’huile de cannabis à 20 % de THC. Une telle métamorphose a été carrément miraculeuse », a écrit un membre d’une de ces associations.

Divers résultats d’études relatent des effets aggravants de la consommation de cannabis sur l’évolution de multiples psychoses schizophréniques, et ceci en dépit des nombreux témoignages de schizophrènes défendant l’usage du cannabis. Il semble qu’à long terme, le cannabis soit responsable de la plupart des rechutes. Par conséquent, l’application de produits dérivés de cannabis est généralement déconseillée pour le traitement de la schizophrénie.

Le cannabis peut néanmoins aider un nombre limité de patients. Des scientifiques du Centre Psychiatrique Rockland d’Orange-burg, New York, ont relaté l’amélioration des symptômes de schizophrénie chez 4 patients ayant reçu du Dronabinol oralement (Schwarcz, 2009). L’étude avait été demandée après une amélioration remarquable constatée chez l’un des patients. Les chercheurs ont également remarqué que 3 des 5 patients sévèrement atteints, résistants aux traitements habituels, avaient par le passé rapporté des effets positifs du cannabis et du THC. Ils sélectionnèrent les patients réfractaires à tout traitement et pour qui le risque était inférieur aux améliorations escomptées. Sur 200 patients atteints de psychoses chroniques, 5 ont été choisis. Un traitement au Dronabinol a été prescrit : 2,5 mg deux fois par jour, puis 5 mg deux fois par jour la deuxième semaine, et enfin 10 mg deux fois par jour la troisième semaine. Il a fallu huit semaines à l’un des patients pour ressentir une amélioration alors que les autres réagirent plus rapidement. Les chercheurs ont noté que « ces améliorations semblent se produire chez trois patients sur quatre au cœur du processus psychotique et pas seulement au niveau calmant ». Ces résultats suggèrent que « le rôle des cannabinoïdes dans les psychoses pourrait être plus complexe que supposé au départ. Ils ouvrent une nouvelle voie quant au rôle des cannabinoïdes dans le traitement de la schizophrénie ».